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Thursday, August 6, 2020

La méthode Toyota pour rester bénéficiaire en pleine crise du Covid 19 - Challenges

kuyupkali.blogspot.com

Le "Toyota Way" est un modèle managérial à part. Aucun autre constructeur n'a d'ailleurs donné son nom à une telle méthode particulière de travail. C'est dire à quel point le premier groupe auto japonais a longtemps servi de référence, au point que le "Toyotisme" fut décortiqué et enseigné par le fameux MIT (Massachusetts Institute of Technology) dans les années 80. Mélange de pragmatisme consensuel, de frugalité, d'humilité dans l'effort constant d'amélioration des process et de la qualité, ce "Toyota Way" auquel doivent adhérer tous les employés réussit bien en tout cas à son créateur. Une fois de plus, le géant japonais dirigé depuis onze ans par Akio Toyoda, petit-fils du créateur des activités automobiles du groupe Kiichiro Toyoda, se distingue par sa capacité de résistance aux crises. En toute discrétion et sans jamais de triomphalisme. Rien à voir avec la flamboyance narcissique d'un Carlos Ghosn chez Nissan, omniprésent et se mettant sans cesse en avant dans tous les forums mondiaux au milieu d'une cohorte de courtisans.

Bien mieux que ses compatriotes

Toyota est un des très rares constructeurs, avec PSA et BMW, à demeurer bénéficiaire malgré la pandémie. Le troisième groupe auto mondial a enregistré sur son premier trimestre fiscal 2020-21 (avril à juin) un bénéfice opérationnel de 13,9 milliards de yens (110 millions d'euros) et un profit net de 158,8 milliards de yens (1,3 milliard d'euros), en baisse toutefois des trois-quarts. C'est faible, mais mieux que ses compatriotes Honda ou surtout Nissan, en fortes pertes. La marge de 0,3% est certes fois plus faible que celle de PSA, mais il est vrai que le Français la calcule sur une période plus longue et plus avantageuse (le premier semestre). Toyota a par ailleurs annoncé ce jeudi qu'il visait un bénéfice opérationnel de 500 milliards de yens (4 milliards d'euros) sur l'année fiscale, qui court d'avril dernier au 31 mars prochain, avec une marge envisagée de 2,1% (8% en 2019-20), et un profit net de 730 milliards (5,8 milliards d'euros).

Pas si mal. Le groupe, dont le siège à Toyota City (près de Nagoya) est un exemple de grisaille et d'austérité, vise 9,1 millions d'unités vendues (avec les camions Hino et les petits véhicules de Daihatsu), pour un marché automobile mondial qui reviendrait en fin d'année ou début 2021 à ses niveaux antérieurs de 2019 selon les prévisions optimistes de Toyota. Ce serait pour Toyota un recul sensible par rapport aux 10,5 millions écoulés par le groupe en 2019-20, mais ces estimations font état de 200.000 unités supplémentaires par rapport à sa précédente prévision édictée en mai dernier. La bourse japonaise a d'ailleurs bien accueilli ces prévisions, avec une hausse du titre de 2,3% à la clôture ce jeudi. Toyota est de loin la première capitalisation boursière automobile dans le monde (141 milliards d'euros) - si l'on exclut la bulle spéculative liée à Tesla. C'est 3,5 fois plus que Volkswagen, pourtant numéro un mondial.

Succès phénoménal aux Etats-Unis

Les débuts de l'expansion fantastique de Toyota plongent leurs racines dans les années 60. Toyota a en effet profité de sa domination historique sur son marché intérieur, longtemps fermé aux importations, pour engranger des marges exceptionnelles, tout au long des Sixties, mais aussi des années 70 et 80. Avec une large gamme de véhicules simplistes, peu chers à produire, copiés des modèles américains et européens mais réputés solides. Cette énorme trésorerie lui a permis de partir à la conquête des marchés extérieurs avec ces mêmes modèles, initialement banals techniquement mais toujours fiables. C'est ainsi que Toyota a percé aux Etats-Unis en s'associant dès 1984 à General Motors dans l'usine californienne de Fremont – là où est aujourd'hui installé Tesla ! Avec sa condescendance historique, GM était ravi de profiter des petits modèles qu'il ne savait pas concevoir et fabriquer, sans jamais soupçonner qu'il faisait entrer le loup dans la bergerie. Toyota s'est ensuite vite émancipé de son mentor.

Il fonde en 1986 sa première usine en propre aux Etats-Unis et devient le troisième constructeur américain derrière GM et Ford, dépassant Chrysler. Par ses parts de marché ravies aux " Big Three " de Detroit, il contribue à acculer GM et Chrysler à la quasi-faillite en 2009. Ce qui lui vaut de solides rancœurs politiques. Accusé soudain de freinage défectueux et d'accélérateurs bloqués sur ses voitures – en partie à tort selon les résultats d'une très longue enquête de l'autorité routière NHTSA -, la firme doit soudain rappeler près de dix millions de véhicules. Pis, à peine intronisé, Akio Toyoda doit s'humilier en février 2010 devant une commission du Congrès des Etats-Unis, présentant ses excuses, dans un acte de contrition forcée typiquement japonaise. Toyota encaisse, fait le dos rond, mais va vite rebondir par la pertinence de son offre. Ses véhicules sont effectivement plébiscités dans les enquêtes auprès des consommateurs du consultant J D Power. Sa marque de luxe Lexus, créée pour le marché américain dès 1989, s'impose même comme le principal label haut de gamme outre-Atlantique.

Une aventure industrielle française

Puissant aux Etats-Unis où il a produit 29 millions de véhicules au cumul et réalise aujourd'hui 30% de son chiffre d'affaires (contre 42% au Japon), mais très bien implanté également en Asie dont la Chine, Toyota avait même relevé le pari a priori impossible pour un constructeur étranger d'établir une usine automobile en France… à Valenciennes (Nord). Et ce, dès 2001, venant ainsi concurrencer Renault et PSA sur leur terrain des petites voitures.Il fallait oser. Didier Leroy, un ex-Renault recruté pour faire fonctionner ce site, sera même appelé en 2015 à devenir le bras droit au Japon d'Akio Toyoda lui-même. La réussite de l'usine nordiste résume à elle seule les ingrédients du Toyotisme. La botte secrète ? Dès le départ, Valenciennes a été conçu comme un site "maigre", signale  Luciano Biondo, son directeur. Sa superficie est de "40 % inférieure à celle de PSA en Slovaquie (Trnava), avec des coûts fixes inférieurs de 25 % par rapport à une usine comparable", indique cet ex-PSA. Dans les ateliers de peinture, il y a de la place pour moins de 40 voitures en stock, alors que c'est souvent cinq fois plus, au bas mot, chez les rivaux. L'usine est quasiment autonome en eau, et affirme consommer moins de gaz et d'électricité grâce à sa compacité. Cette même facture a été réduite de moitié en quinze ans. Pas négligeable, alors que les dépenses d'énergie pèsent de 2 à 3 % des coûts globaux d'un site.

Didier Leroy nous a aussi expliqué, lors de nos multiples rencontres, que Valenciennes avait choisi, et pour cause, des robots maison, plus fiables "car développés en interne". Enfin, dans le process de fabrication, quand un salarié actionne la sonnerie parce qu'il note un défaut, "on arrête la chaîne, pas comme chez d'autres constructeurs", poursuivait-il. Résultat : la zone de retouches en bout de chaîne est "dix fois plus faible que chez les concurrents". Nouveau gain de place à la clé. Par ailleurs, la "conception plus simple de la Yaris a permis de faire des installations moins chères", notait Didier Leroy. Valenciennes vient au reste de démarrer la production de la petite Yaris IV, y compris dans sa version hybride, dont les premières livraisons interviendront en septembre prochain. Et ce, en attendant un dérivé SUV, la Yaris Cross, à l'été 2021. 

L'hybride, puis l'hydrogène

La maîtrise des process n'explique pas tout. Toyota, dont la gamme est la plus étendue parmi tous les constructeurs mondiaux, a aussi fait dès 1997  le pari de l'hybride (moteurs à essence avec appoint de l'électrique). A l'époque, les concurrents ricanaient, se gaussant de cette technologie complexe qui ne générerait jamais de bénéfices. Le démarrage fut lent. Mais, après 15 millions de véhicules vendus (dont 3 millions en Europe), Toyota jouit d'une enviable image  "verte" grâce à cette technologie - même si cette renommée est très exagérée ! Renault, qui paria longtemps sur l'électrique, est obligé d'y venir avec sa nouvelle Clio E-Tech. L'hybride illustre cette stratégie du très long terme chez Toyota, lequel fait désormais le pari de l'hydrogène.

Alors qu'il ne croit pas trop dans les voitures 100% électriques, Toyota a été le premier constructeur (avec son compatriote Honda) à commercialiser un véhicule à pile à combustible, la Mirai, et ce dès la fin 2014. "Le véhicule à hydrogène va se développer en 2020-2025, avec un vrai décollage après 2025", pronostique ainsi Didier Leroy. Toyota prévoit de fabriquer, dès 2020-2021, 30.000 voitures à pile à combustible par an avec la nouvelle Mirai II et un autre modèle sous son label de luxe Lexus. Voitures particulières, mais aussi camions, bus, chariots élévateurs à hydrogène sont prévus. Encore le long terme !




August 06, 2020 at 09:46PM
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